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6 sur 9. C’est le nombre de limites planétaires qui sont dépassées selon le Stockholm Resilience Center (1), engendrant potentiellement une déstabilisation des équilibres naturels sur notre planète. Conséquences : des conditions de vie nettement dégradées voire totalement défavorables à la vie lors du dépassement de certains seuils (2).
9 limites planétaires donc qui sont : le cycle de l’eau douce*, l’érosion de la biodiversité**, la perturbation des cycles de l’azote et du phosphore**, le changement d’usage des sols*, l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère**, l’acidification des océans, l’appauvrissement de la couche d’ozone, l’augmentation de la présence d’aérosols dans l’atmosphère, le changement climatique** (3). (** limites dont le seuil minimal est dépassé engendrant des risques élevés de dysfonctionnement du système terre pour l’humanité ; * limites dont le seuil minimal est dépassé engendrant des risques croissants de dysfonctionnement du système terre pour l’humanité).
Tableau – Les différentes limites planétaires et leur seuil de dépassement
Limites dont le seuil minimal est dépassé engendrant des risques élevés de dysfonctionnement du système terre pour l’humanité | l’érosion de la biodiversité la perturbation des cycles de l’azote et du phosphore l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère le changement climatique |
Limites dont le seuil minimal est dépassé engendrant des risques croissants de dysfonctionnement du système terre pour l’humanité | le cycle de l’eau douce le changement d’usage des sols |
Limites dont le seuil minimal n’est pas dépassé | l’acidification des océans l’appauvrissement de la couche d’ozone l’augmentation de la présence d’aérosols dans l’atmosphère |
Le trio favorable à la vie
Il y a trois prérequis à la vie et à son développement. En premier lieu : respirer, en second lieu : boire, en troisième lieu : manger. Sans ce trio, point de vie. Il correspond approximativement aux besoins physiologiques de la Pyramide de Maslow (4) et on peut y ajouter d’autres éléments tels que des conditions de vie positives, le repos, le travail pour s’approcher du besoin de subsistance de la Roue de Manfred Max Neef (5).
Quel lien entre ce trio et les 9 limites planétaires ?
En bref, quand on lit entre les lignes, le dépassement des seuils de certaines limites planétaires affectent directement ce trio favorable à la vie: l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère, l’augmentation de la présence d’aérosols dans l’atmosphère affectent directement le prérequis « respirer », le cycle de l’eau douce (par exemple, certaines villes sont privées d’eau courante) et l’introduction d’entités nouvelles (par exemple, l’eau est impropre à la consommation en raison de pollutions diverses et variées) affecte directement le prérequis « boire », le changement climatique, le changement d’usage des sols mixés avec les autres limites planétaires dépassées affectent le prérequis « manger » (par exemple, en raison des baisses de rendement, la destruction des sols et des cultures). A noter que même si le seuil de présence d’aérosols dans l’atmosphère n’est pas dépassé, la pollution de l’air (exemple : particules fines) a un impact direct sur la santé humaine.
Le fonctionnement des 9 limites planétaires ne peut être abordé de manière séquentielle ou partitionnée
Le dépassement des seuils engendre des effets systémiques, c’est-à-dire que les limites planétaires agissent de concert. Par exemple, le changement d’usage des sols et la perturbation du cycle de l’eau douce, auxquels s’ajoutent l’acidification des océans ou le changement climatique, ont un impact sur l’érosion de la biodiversité (1, 2, 3).
Comment interpréter les 9 limites planétaires en tant qu’entrepreneur valeureux ?
Compte tenu du fait que les limites planétaires sont interdépendantes et donc interconnectées, le développement d’un projet entrepreneurial soutenable ne devrait pas se concentrer sur une seule variable d’amélioration de l’activité. Par exemple, il n’y a aucun sens à afficher une activité « zero carbone net », si celle-ci génère le rejet de produits chimiques et toxiques dans l’air, les eaux ou les sols. De même qu’il n’y a aucun sens à afficher « fabriquée à partir matière plastique 100% recyclée » – bien qu’il soit utile de recycler plutôt que gaspiller ou jeter – alors que celle-ci génère potentiellement un risque de rejet de microplastiques dans l’environnement et affectent donc non seulement l’environnement mais également chacun et chacune d’entre nous.
Se poser les bonnes questions pour tenter de développer une activité entrepreneuriale mieux disante
S’informer et se former pour comprendre le fonctionnement du système terre
C’est, selon moi, la première action à mettre en œuvre avant de penser à développer un projet entrepreneurial soutenable. Les tenants et aboutissants de chacune de nos actions engendrent des effets en chaîne difficiles à appréhender de prime abord. C’est peut-être pour cette raison que certaines actions entrepreneuriales dites « durables » sont trop souvent hors de propos voire carrément entachées de greenwashing.
Au-delà des effets systémiques, il est également indispensable d’avoir les ordres de grandeur en tête. Il est donc important de s’interroger sur les impacts les plus élevés de son activité pour prioriser les actions permettant d’obtenir des résultats de réduction des impacts réellement probants.
Pistes de réflexion pour le secteur des services
Dans le cadre d’une activité de service ne nécessitant pas la présence des collaborateurs 5 jours sur 7 dans les locaux de l’entreprise, la manière la plus probante de réduire les impacts directement liés à l’activité est d’instaurer le télétravail pour ceux qui ne peuvent se passer de leur véhicule pour se rendre sur leur lieu de travail ou de chercher des solutions de réduction des impacts liés au transport (aide au financement de vélo électrique par exemple) ou incitation à prendre les transports en commun (la loi prévoit la prise en charge de tout ou partie des titres de transports (6)). Raisonner de cette manière permet non seulement de réduire les émissions de gaz à effet de serre, directement liées au changement climatique et à l’acidification des océans. Cela permet également de réduire l’espace de travail, ce qui constitue des économies mais également permet de réduire le changement d’utilisation des sols en évitant d’artificialiser les sols (changement d’usage des sols). Et s’il est nécessaire de réunir de temps à autre l’ensemble de vos équipes, pensez à louer une salle pour ce temps spécifique (espace de co-working, salle municipale, etc.).
Pistes de réflexion pour le secteur de la boisson ou de la cosmétique.
Pourquoi ne pas envisager des cosmétiques solides sans ingrédients controversés (donc éliminant le risque d’ajout d’entités nouvelles dans la biosphère) ou des boissons lyophilisées ou à infuser pour réduire le poids de vos produits et donc leur impact (au regard du transport – réduction des émissions de gaz à effet de serre qui ont un impact direct sur le changement climatique).
Pistes de réflexion pour le secteur du textile
Le secteur du textile vous intéresse ? Voici les limites planétaires qui sont impactées par ce secteur. Le changement d’utilisation des sols et l’érosion de la biodiversité pour la culture des fibres naturelles (telles que le coton qui engendre des cultures sur des espaces auparavant préservés), l’introduction d’entités nouvelles (pesticides dans le cadre de cultures non labellisées « biologique », déversement de produits chimiques dans les sols, les eaux et l’air lors du processus de fabrication, non seulement cela affecte le système terre mais cela affecte également la santé et le bien-être des habitants à proximité des usines), le changement climatique en raison des gaz à effets de serre générés par le transport mais aussi la fabrication (par exemple les fibres de polyester sont issues de l’industrie des énergies fossiles), le cycle de l’eau douce (la culture et la fabrication de textile étant très gourmand en eau, à titre d’exemple, un jean nécessite 7000 à 10 000 litres d’eau, quand un tee shirt nécessite 2500 à 3000 litres).
Envisager une activité de réparation plutôt qu’une activité de vente de vêtements. Si vous souhaitez commercialiser des vêtements, la vente de vêtements de seconde main est une piste à exploiter en gardant en tête que la sensibilisation est nécessaire dans ce cas, l’achat de seconde main générant des problématiques de surconsommation. Autre piste à exploiter, sensibiliser les clients lors de la vente de vêtements neufs. Par exemple, vous pourriez envisager d’indiquer la nécessité de consommer moins mais mieux (l’ADEME indique que chaque consommateur devrait limiter ses achats à quelques pièces par an (7)). Votre chiffre d’affaires est alors généré par la vente de modèles qualitatifs à destination de cibles qui ont un budget qui le permet. A noter qu’il est nécessaire de démontrer la réelle durabilité et soutenabilité de chaque pièce que vous vendez (une marque qui ne peut fournir ces preuves (labels, transparence de l’information, traçabilité, charte de respect des ouvriers textiles, par exemple) ne devrait pas faire partie de votre sélection). A titre illustratif, en moyenne avec une cote mal taillée sur la base de données de statista (8), chaque français a dépensé en moyenne 515 euros en habillement en 2022. Ce qui signifie qu’un français peut s’offrir un pull tricoté sur mesure d’un montant de 250 euros, un jean éthique à 125 euros, un tee-shirt en coton bio fabriqué au Portugal à 25 euros et une paire de baskets d’une marque française à 129 euros sans dépasser réellement son budget moyen. Non seulement ce sont des vêtements qui durent dans le temps mais c’est une manière pour le client de se constituer un dressing qualitatif. Un service de réparation est une manière de fidéliser vos clients et de les inviter à revenir dans votre boutique (service à présenter lors de l’argumentaire de vente dudit vêtement). Enfin, la location de vêtement peut être une idée pertinente (à condition que le modèle d’affaires permette d’appliquer un prix attractif et que les vêtements soient de qualité pour pouvoir être portés un nombre important de fois).
En conclusion: Inutile de vouloir atteindre le zéro impact mais absolument prendre en compte les 9 limites planétaires!
Quelles que soient vos intentions, gardez en tête qu’il est impossible de n’avoir aucun impact sur le système planétaire. L’idée est plutôt d’envisager une manière d’organiser votre activité entrepreneuriale de façon à réduire a minima les impacts sur l’ensemble des neuf limites planétaires (et donc par conséquence sur un système favorable à la vie) et pas uniquement sur les émissions de gaz à effet de serre. Une seule manière d’y parvenir? Connaître les ordres de grandeur.
Se contenter de réduire des impacts anecdotiques n’est pas une démarche réellement soutenable. Car non, trier les déchets de votre entreprise (il faut le faire bien sûr) ne permettra jamais de compenser les émissions générées par la fabrication des produits que vous commercialisez ou encore les émissions générées par les déplacements professionnels – en avion- de vos collaborateurs (9).
(1) https://www.stockholmresilience.org/research/planetary-boundaries.html
(2) https://www.notre-environnement.gouv.fr/themes/societe/article/limites-planetaires
(3) https://bonpote.com/la-6eme-limite-planetaire-est-officiellement-depassee/
(4) Abraham Maslow, « A Theory of Human Motivation », Psychological Review, no 50, 1943, p.370-396
(5) Max Neef M. A, Elizalde A., Hopenhayn M. (1991) “Human Scale Development: Conception, Application and Further Reflections”, Volume 1, Apex Press
(6) https://entreprendre.service-public.fr/
(7) https://multimedia.ademe.fr/infographies/infographie-mode-qqf/ Ademe “Le revers de mon look »
(8) https://fr.statista.com/statistiques/1421158/depenses-menages-habillement/
(9) Breteau P. et Dagom G. (2023) Vous voulez « compenser » votre vol en avion par des écogestes ? Voici combien de temps cela vous prendra, Le Monde